6ème primaire? Oh oh... ça sent bon sa Belgique ce terme...
Merci à vous toutes de vos commentaires. Une petite suite pour ce soir avant d'aller au lit...
Chapitre 24 : Le mauvais génie (partie 1)
Flasbhack
Eté 1982 : Pasadena- Les garçons, l’oncle Steve m’écrit qu’il va envoyer le cousin Théo venir passer quelques jours de vacances ici, c’est chouette non ?
Don grimaça tandis que Charlie souriait aux anges :
- Super ! On va pouvoir faire plein d’expériences ensemble.
Don plongea son nez dans son bol de chocolat sans rien dire et Margaret s’inquiéta :
- Qu’est-ce qu’il y a mon ange ? Tu n’es pas content de voir le cousin Théo ? Il est pourtant gentil.
- Sûr ! Il est adorable avec Charlie… Avec moi…
Il ne se souvenait que trop bien d’autres vacances, deux ans plus tôt, où son petit frère, totalement ébloui par ce cousin de deux ans plus âgé que son aîné, l’avait totalement délaissé pour s’accrocher aux basques du plus grand, revenant de leurs périples la joie au cœur, les joues rouges de plaisir, négligeant totalement les tentatives de Don de l’emmener avec lui jouer au base-ball ou entreprendre l’une de ces activités qu’il aurait tout donné pour partager avec lui si Théo n’avait pas été là.
- Pfff ! Tu dis ça parce que tu es jaloux ! persifla Charlie avec un sourire !
- N’importe quoi ! s’emporta Don. Et jaloux de quoi d’abord ? De deux dégénérés qui font des expériences étranges au fond d’un garage au lieu de profiter du beau temps ?
- Don !
La voix courroucée d’Alan interrompit la diatribe de l’aîné tandis que les yeux de Charlie s’imprégnaient de larmes.
- Excuse-toi tout de suite auprès de ton frère ! ordonna le père. Ensuite tu vas me faire le plaisir de monter dans ta chambre et d’y réfléchir un peu à ton attitude ! Et j’espère que lorsque ton cousin sera là tu seras plus poli sinon je connais un garçon qui, au lieu d’aller faire son stage de base-ball, pourrait passer l’été en cours de rattrapage au collège !
- Désolé Charlie, murmura Don avant d’abandonner son petit déjeuner et de monter dans sa chambre sans demander son reste.
- Alan… Il n’a pas fini son petit déjeuner, tenta Margaret à voix basse.
Elle ne voulait pas sembler prendre partie contre son mari, mais elle pensait qu’il aurait peut-être mieux valu chercher à comprendre pourquoi Don réagissait ainsi.
- Bah… Il n’en mourra pas ! répliqua Alan à la fois en colère et inquiet de la manière dont les trois semaines de vacances de son neveu allaient bien pouvoir se dérouler si Don avait décidé de faire sa mauvaise tête ! Si on lui avait dit, lorsqu’il l’avait pris dans ses bras pour la première fois, la difficulté qu’il aurait à le comprendre douze ans plus tard, il ne se serait sans doute pas montré aussi bêtement fier de ce tout nouveau fils !
Ce dernier s’était rué dans sa chambre et jeté sur son lit, des larmes aux yeux qu’il savait en partie de rage mais aussi de tristesse. Comme toujours ses parents prenaient fait et cause pour Charlie, sans chercher plus loin ! Celui-ci pouvait dire ou faire tout ce qu’il voulait, il aurait toujours raison ! Quant à lui, il ne serait jamais que la cinquième roue du carrosse, celui qu’on gardait parce qu’on ne peut guère faire autrement, mais dont on n’avait pas vraiment besoin ! Charlie l’avait accusé d’être jaloux : bien sûr qu’il était jaloux…
Lorsque pour la première fois ce grand cousin était venu à la maison, deux ans plus tôt, c’était lui qui s’était réjoui en se disant qu’il allait avoir un camarade de jeux un peu plus grand que son frère. Et deux ans d’écart ce n’était pas grand-chose alors Théo n’allait pas manquer de passer du temps avec lui ! Ses parents pourraient s’occuper tout leur soul de Charlie, lui il aurait quelqu’un qui se soucierait de lui et avec lequel il passerait de bons moments. Il avait déjà tout planifié : le base-ball bien sûr, mais aussi la piscine, la patinoire, si papa était d’accord une journée au parc d’aventures… Bien sûr ils emmèneraient parfois Charlie, mais oui, ces vacances allaient être géniales.
Et il avait dû très vite déchanter. Au lieu d’un allié, c’est un ennemi qu’il avait trouvé ! Quelqu’un qui, dès le départ, s’était rangé dans le camp des admirateurs de Charlie ! Il avait rejeté dédaigneusement toutes ses tentatives d’approche, ayant l’air dégoûté à l’idée de faire du sport, s’adressant à lui comme s’il était une quantité négligeable. Cela Don aurait pu le supporter, après tout, il était habitué à passer pour le crétin de la famille ! Mais ce qui lui avait fait le plus de mal c’est que le cousin Théo avait totalement accaparé Charlie, le détournant de lui. Le bambin était très vite tombé en admiration devant ce grand qui ne le traitait pas comme un bébé, écoutait ses explications d’un air intéressé et lui proposait de nouvelles expériences, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Durant les deux semaines qu’avait alors duré son séjour, ils ne s’étaient pas quittés, Théo ayant demandé si, plutôt que de partager la chambre de Don, il ne pouvait pas s’installer dans celle de Charlie, ce que ses oncle et tante avaient accepté bien qu’un peu décontenancés par la demande. Mais la joie de leur plus jeune et ses yeux suppliants avaient vite eu raison de leur perplexité.
Et Don avait eu beau proposer à Charlie de l’emmener avec lui, celui-ci l’avait ignoré superbement durant deux longues semaines ; pire, parfois il le voyait regarder vers lui et ricaner comme s’il se moquait. Il l’avait même, un jour qu’en désespoir de cause il lui proposait de l’aider dans une expérience, rejeté d’un méprisant : « Tu n’y comprendrais rien ! » qui avait profondément blessé le garçon qui s’était alors résigné à passer ses vacances seul, refoulant sa peine et sa colère et se jurant de faire payer cela à Charlie lorsqu’il se retrouverait sans son fan attaché à ses basques.
Bien sûr sa résolution n’avait tenu que le temps que sa mère l’oblige à emmener Charlie avec lui au parc où il allait rejoindre ses copains et qu’il avait ressenti toute la détresse du gamin abandonné sur le bord du terrain de jeu, le regardant avec envie et besoin, se sentant totalement délaissé, parce qu’il la connaissait cette souffrance trop souvent éprouvée durant le séjour de leur cousin et il avait aussitôt pardonné à son frère : après tout il n’avait que cinq ans et pour être un génie, il était tout de même loin de tout comprendre, notamment qu’il pouvait faire du mal autrement que par des coups. Et les relations des deux frères s’étaient normalisées, d’autant plus que l’été suivant l’oncle Steve était parti avec la tante Charlène et l’horrible Théo passer plusieurs semaines à Hawaï et que l’importun n’était donc pas venu se glisser entre eux une nouvelle fois. Don se souvenait encore de la tête de ses parents lorsqu’ils lui avaient dit que l’oncle Steve était prêt à l’emmener avec eux et qu’il avait refusé avec la dernière énergie. Charlie, lui, aurait bien voulu prendre sa place mais là c’était ses parents qui avaient jugé qu’à six ans il était bien trop jeune pour s’éloigner d’eux durant cinq semaines. Cet été là, pour apaiser sa déception, Don avait été particulièrement attentif aux désirs de son jeune frère et l’avait traîné à peu près partout à sa suite, sauf quand il restait auprès de lui pour le regarder travailler, heureux, à l’occasion, de pouvoir l’aider à mener à bien certaines expériences soit en l’aidant à lire les notices, soit en faisant pour lui certains gestes que ses parents refusaient qu’il fasse comme utiliser le gaz, soit simplement en faisant office de surveillant pour éviter que le petit garçon se blesse.
Alors de voir la joie dans les prunelles de Charlie à l’annonce du retour de Théo lui avait fait mal parce qu’il se disait qu’à nouveau son frère allait l’oublier, qu’il ne serait plus son héros et qu’à l’âge qu’avait maintenant Charlie, peut-être qu’il ne le redeviendrait jamais. Il se souvenait encore de sa tristesse lorsque, durant les semaines qui avaient suivi le séjour du cousin, Charlie n’avait cessé de chanter les louanges de celui-ci, le comparant à lui à son désavantage lorsque quelque chose que disait ou faisait Don lui déplaisait. Mais petit à petit Don avait pu reprendre sa place, redevenir le héros que son cadet voyait en lui. Alors non, il n’avait pas envie que tout cela vole de nouveau en éclats. Mais il savait que, malheureusement, il n’y avait rien qu’il puisse faire.
****
Eté 1982 – dix-sept jours plus tard : Pasadena- Alan, je suis inquiète.
- Quoi ?
Alan sortit le nez de son journal et, étonné, regarda son épouse.
- Je m’inquiète pour Donnie.
- Donnie ? Mais il me semble aller très bien.
- Non. Il est triste. Il manque d’entrain. Quelque chose le ronge, répliqua son épouse.
Alan laissa tomber le journal pour la regarder :
- Comment ça quelque chose le ronge ?
- Je n’en sais rien… J’ai essayé de lui parler. Il y a quelque chose qui ne va pas.
- Tu crois qu’il est malade ?
- Non… Je n’en sais rien.
- Mais depuis quand as-tu remarqué ça ?
- En fait, elle hésita un peu : depuis l’arrivé de Théo.
- Ah ! fit Alan avec un demi-sourire qui l’agaça :
- Ca veut dire quoi ce Ah ? s’énerva-t-elle.
- Ca veut juste dire, ah… répondit-il.
- Alan Eppes ! Je te dis que notre fils de douze ans va mal et tout ce que tu trouves à répondre c’est « Ah ! » !
Cette fois-ci la colère était perceptible dans sa voix.
- Maggie… Enfin… Don est un peu jaloux, c’est tout ! sourit le père en voulant dédramatiser la situation.
- Un peu jaloux ?
- Oui… Tu as bien remarqué : depuis que Théo est arrivé Charlie ne le quitte pas. Avant il cherchait sans arrêt la compagnie de son frère, maintenant c’est tout juste s’il semble s’apercevoir qu’il existe ! Don est jaloux, c’est normal : il était le héros de son petit frère et d’un seul coup quelqu’un prend sa place. Ca passera lorsque Théo sera rentré chez lui, ne t’inquiète pas. Rappelle-toi, c’était déjà comme ça il y a deux ans. D’ailleurs on dirait que les choses vont s’arranger puisqu’ils sont partis ensemble, et c’est la troisième fois en trois jours je te rappelle.
- Oui, je sais. Je me souviens même de la scène qu’il y a eu quand Théo a demandé à Don de l’accompagner !
- Que voulais-tu que je fasse ? Que je laisse notre garçon se comporter comme un sale môme égoïste et coléreux ?
- Non mais… Ca ne ressemble pas à Don cette attitude.
- Il est jaloux je te dis. Ca explique bien des choses.
- Peut-être… Mais… On n’est pas toujours derrière eux.
- Que veux-tu dire ?
- Qui sait si Théo n’est pas désagréable avec Don lorsque nous ne sommes pas dans les parages ?
- Don est de taille à se défendre non ? Théo a peut-être deux ans de plus, mais il est à peine plus grand que lui et ne pèse pas plus lourd. Aucun risque qu’il le maltraite sans que notre garçon réplique !
- Il y a plus d’une façon de maltraiter les gens Alan, tu sembles l’oublier.
- Bien sûr que je ne l’oublie pas… mais il y a une autre chose que je n’oublie pas.
- Quoi ?
- Si Théo faisait du mal à Donnie, Charlie nous l’aurait dit. Il ne supporte pas qu’on s’en prenne à son frère. Il n’y a qu’à voir comme il nous regarde lorsque nous le punissons !
- Oui…, marmonna Margaret, peu convaincue, pourtant…
- Pourtant rien… Ne t’inquiète pas, je suis sûr que tout va bien. C’est juste une petite jalousie de gosse. Notre fils grandit, il ne faut pas l’oublier.
- Non… Enfin… Tu as raison pour une partie du problème, mais… je pense qu’il y a autre chose.
Alan se leva et posa sa main sur l’épaule de sa femme :
- Arrête de t’en faire comme ça ! Notre fils va très bien !
Elle lui sourit, soupira et décida d’en rester là : de toute façon elle n’arriverait pas à faire comprendre ce sentiment diffus qui l’habitait depuis quelques jours lorsqu’elle regardait son fils aîné. C’était quelque chose que son cœur de mère lui soufflait mais qui ne s’appuyait sur rien d’autre. Après tout, peut-être qu’Alan avait raison et qu’elle se faisait une montagne d’un rien !
Charlie recula sur la pointe des pieds et retourna dans sa chambre, plongé dans de profondes pensées. Il avait surpris la conversation de ses parents sans le vouloir mais soudain de nouvelles perspectives s’ouvraient à lui. Maman disait que Donnie allait mal, et si maman le disait, elle avait forcément raison, Donnie allait mal, et s’il devait en croire ce que disait papa, il était responsable de cela.
Pour une fois heureux que le cousin Théo ne soit pas là, le gamin se pelotonna sur son lit, réfléchissant intensément à ces dix jours passés en sa compagnie. Comme cela était prévisible, Théo avait été ravi de le retrouver, la joie étant réciproque. C’est tout juste s’il avait fait attention à Don, le saluant du bout des lèvres avant de se retourner vers Charlie pour lui exposer ses projets pour les trois semaines à venir. Très vite les deux cousins avaient repris leurs habitudes, négligeant cruellement Don qui, à quelques reprises, avait essayé de se joindre à eux. Mais Théo le repoussait toujours avec des mots cruels dont Charlie s’aperçut soudain avec horreur, qu’il avait utilisés à son tour ou dont il avait ri au lieu de prendre la défense de son frère.
Il n’avait peut-être que sept ans, mais il savait désormais que les mots peuvent faire plus mal que les coups et pourtant il avait laissé Théo traiter Donnie d’idiot, d’incapable, de maladroit, de gamin stupide, et d’autres choses du même genre qui avaient tenu son frère à l’écart. Charlie se souvenait maintenant du regard blessé qu’avait eu son aîné lorsqu’il avait éclaté de rire après une remarque particulièrement cinglante de son grand cousin. Don avait coulé un regard vers lui qui, durant une fraction de seconde, lui avait donné envie de le prendre dans ses bras et de lui demander pardon, mais Théo l’avait alors entraîné et il l’avait suivi, laissant son frère là avec son chagrin.
Avec le recul, Charlie se rendait compte que l’attitude de Théo était méchante, non pire, cruelle. Et les mots de sa mère résonnaient à son oreille : Donnie allait mal. Pourtant, depuis trois jours, il lui semblait que son cousin avait changé de comportement avec son frère, depuis ce lundi où, lorsque Don avait dit qu’il rejoignait ses copains au base-ball, il avait demandé à l’accompagner. Devant le refus catégorique et violent de son fils, Alan s’était fâché, l’obligeant à accepter la compagnie de son cousin sous peine de ne pas avoir l’autorisation de sortir. Don s’était incliné, la rage au cœur mais, lorsqu’ils étaient revenus, les choses semblaient aller mieux entre eux. Pourtant c’est à partir de ce moment là que Don avait paru encore plus triste, comme si quelque chose le rongeait de l’intérieur, exactement comme maman l’avait dit.
Dans sa petite tête d’enfant, Charlie commençait à aligner des équations sur ce qui était logique ou non :
- qu’un cousin qui semble en détester un autre veuille soudain l’accompagner partout : illogique
- qu’un garçon d’habitude plein de vie devienne triste et taciturne : illogique
- qu’un cousin qui adore les sciences s’intéresse à celui qui semble doué pour cela : logique
- qu’un cousin soit systématiquement blessant envers un autre : logique ? illogique ?
Il y avait des réponses qu’il n’arrivait pas vraiment à quantifier.
Mais petit à petit un schéma se dégageait de tout ça, un schéma qu’il n’aimait pas et où il n’avait pas le beau rôle ! Donnie avait toujours été là pour lui, du plus loin qu’il s’en souvienne : il avait veillé sur lui, avait pris des coups pour lui, lui avait appris à jouer au base-ball, l’avait accompagné à la musique, avait séché ses larmes lorsqu’il avait peur, lui avait ouvert son lit les soirs d’orages… Et Théo, qu’avait-il fait d’autre pour lui que de l’éloigner de Don en le flattant, en lui proposant de faire ce qu’il aimait le plus, mais sans jamais inclure son aîné ?
Il y avait une conclusion à cela, une conclusion que Charlie n’aimait pas, mais il se jura qu’il allait vite vérifier si sa théorie était valide ou non ! Et si elle l’était, le cousin Théo avait intérêt à numéroter ses abattis ! Justement, celui-ci entrait dans le garage, un sourire satisfait aux lèvres, ce sourire qui rappela instantanément au petit garçon celui du chat sur son livre d’images, ce chat qui venait de croquer le canari et se pourléchait encore les lèvres de son forfait. Le cousin Théo venait-il de croquer un canari nommé Don ? se demanda l’enfant tandis que l’aîné s’approchait de lui pour tenter de lire les équations qu’il avait notées sur le tableau :
- Un nouveau problème ? demanda-t-il.
- Oui… Un truc qui m’est passé par la tête, répondit Charlie.
- Oh… Quel genre de truc ? Tu veux m’expliquer ?
- Ben… C’est assez compliqué en fait…
- Hé ! Faudrait pas me confondre avec ton idiot de frère ! plaisanta Théo avec un grand sourire, s’attendant à ce que, comme d’habitude à ce genre de réflexion, le gamin éclate de rire.
Mais Charlie lui lança un regard noir en répliquant :
- Donnie n’est pas un idiot !
- Hé ! Doucement Mathkid, se défendit Théo d’une voix étonnée : c’était la première fois que Charlie s’adressait à lui sur ce ton en plus de la première fois qu’il prenait ainsi la défense de son frère, je plaisantais.
- Oui et bien… à force ce n’est pas drôle. Donnie n’est pas un idiot !
- Je sais… Du calme… Qu’est-ce qui t’embête ?
- Rien… C’est juste…
- Tu es vexé parce que j’ai passé l’après-midi avec NazKid ?
- Arrête de l’appeler comme ça !
Ca aussi c’était une première. Deux ans plus tôt, lorsqu’il les avait surnommés respectivement MathKid et NazKid, Charlie avait trouvé ça très drôle, sans se soucier de la réaction de Don s’il entendait ce surnom, ce qu’il n’avait pas manqué de faire, qui plus est dans la bouche de son petit frère, ce qui l’avait particulièrement blessé. Mais décidément Charlie ne semblait pas d’humeur badine ce jour-là, aussi Théo tourna-t-il les talons en disant :
- Bon… Apparemment tu es de mauvais poil. Je vais te laisser te calmer. Je vais prendre ma douche, on se verra plus tard. Dommage, j’avais une expérience amusante à te proposer.
Il attendit un instant, persuadé que le gamin allait le rappeler, mais celui-ci se contenta de dire :
- On verra ça demain. Je veux finir ce truc d’abord…
- Demain je sors avec Don, fut la réponse sans appel.
- Et bien on verra ça un autre jour alors, répliqua Charlie en retournant à ses calculs tandis que son cousin sortait de sa chambre, un peu décontenancé par la tournure prise par les événements.
Mais tandis qu’il s’éloignait, un sourire se dessina de nouveau sur ses lèvres : si le petit génie ne voulait pas s’amuser avec lui, il allait s’amuser quand même avec son jouet préféré, à savoir ce cousin stupide qu’il détestait à force d’entendre ses parents louer ses mérites : « Don joue au base-ball, Don fait du hockey sur glace, Don fait ci, Don fait ça… ». Il avait décidé de lui pourrir la vie : d’abord lui prendre son petit frère et Dieu sait pourtant s’il était ennuyeux le génie et maintenant… Il ricana sous cape en pensant à ce doute qu’il avait réussi à instiller au plus profond de l’esprit de son cousin. Finalement c’était vraiment trop facile de s’amuser avec les autres ! D’ailleurs, il allait de ce pas enfoncer le clou, décida-t-il en allant pousser la porte de la chambre de l’aîné des frères :
- Salut NazKid, je ne te dérange pas trop ? claironna-t-il en entrant dans la pièce avant d’aller s’asseoir sur le lit où Don se tenait, visiblement profondément songeur, au point qu’il ne releva même pas le surnom honni.
De toute façon qu’aurait-il pu faire ? S’il le faisait ravaler à son cousin en même temps que ses dents, son père ne le lui pardonnerait pas ! Entre lui et Théo il savait très bien que ce serait celui-ci qu’Alan choisirait et, s’il devait en croire ce que son cousin lui avait dit, il savait maintenant pourquoi.
- Ben alors… On n’a pas l’air bien gai Nazkid, persifla Théo en lui envoyant une bourrade.
- Fous-moi la paix Théo ! J’ai besoin de réfléchir !
- A quoi ? Tu n’as donc pas compris ce que je t’ai dit ? Je sais bien que tu es un crétin congénital, mais à ce point c’est grave ! Vraiment ! Il fallait que mes pauvres oncles et tantes tombent sur un dégénéré dans ton genre ! Je ne comprends pas qu’ils t’aient gardé après la naissance de leur vrai garçon !
- Fous-moi la paix ! répéta Don d’une voix lamentable qui amena un sourire vainqueur sur les lèvres de son bourreau.
- D’accord, d’accord… je te laisse… Mais tu sais, te lamenter n’y changera rien ! Tu n’es pas leur fils, tu n’es pas leur fils ! Va falloir te faire une raison mon pote !
Et laissant là son cousin, il quitta la chambre pour se rendre à la salle de bain, satisfait d’avoir réussi à semer le trouble dans l’esprit de Don.
Celui-ci, une fois son cousin parti, se laissa aller sur le dos, les yeux pleins de larmes rivés au plafond. Il comprenait tant de choses maintenant, tant de choses qui lui avaient semblées étranges et qui, grâce aux explications de Théo devenaient limpides. Il aurait préféré ne jamais savoir la vérité mais Théo avait peut-être raison, il devait peut-être connaître celle-ci avant qu’un jour elle ne lui éclate en pleine figure !
(à suivre)